Salut! Me revoilà avec une deuxième fic. Je peux vous dire qu’elle m’a donné du mal celle-là, et qu’elle m’en donne encore!
Mais je serais récompensée de ma sueur et de mes larmes si vous l’appréciez!
 
Couple: Sasuke-Kakashi (pour de vrai cette fois)
 
Les persos n’sont pas à moi,
Même si j’les voudrais rien qu’une fois!
(viiiiii! plein de bôs bishô’ rien qu’à moi! — je sais, superbe pléonasme.)
 
Fic en deux parties. D’hab’, je mets mes fics en une seule fois, mais là, j’en ai trop marre qu’elle traîne dans mon ordi sans avoir d’avis de personne dessus. Quant à savoir pourquoi elle n’est pas encore terminée, allez donc faire un tour à la fin si ça vous intéresse! ;-P
 
Dadah!
Spéciale dédicace à Machan!
Pour me faire pardonner ta déception lors de ta lecture de “Boire ou dormir” (‘vache, il est vraiment pourrave ce titre... Quoique celui-ci n’est guère mieux. Je trouve que “Six ans après” sonne mieux, mais ça me fait trop penser au film. Qu’en dites-vous?) Et pour te remercier de ne pas m’avoir tapée dessus avec ton maillet de trois tonnes cinq spécial “vengeance meurtière”! ;-D
 
 
 
 
 
 
 
 
Six ans plus tard...
 
 
 
 
 
 
          Dans le village caché de Konoha, c’était la consternation chez les ninjas. Cette dernière mission avait été un échec total. Même si on l’avait classée dès le début dans la catégorie “à hauts risques”, personne ne s’attendait à une telle débâcle. Un mot politiquement correct pour éviter de prononcer celui de “massacre”. Seuls trois hommes étaient revenus, dont deux grièvement blessés. Le troisième, une fois rassuré quant à l’état de ses coéquipiers, était allé se terrer chez lui et n’en sortait que pour répondre aux convocations de l’Hokage. Au début, seule une poignée de personnes supposèrent que ce jounin avait peur. Puis la rumeur qui avait commencé à se répandre enfla de jour en jour comme quoi Kakashi Hatake, le célèbre Ninja Copieur, était un lâche.
 
          Sakura et Naruto se montraient ouvertement consternés par ces racontars et Gai ne comptait plus les fois où il avait dû clouer le bec à un péquenot qui insultait l’honneur de son ennemi de toujours. Sasuke, quant à lui, ne montrait aucune opinion ni sentiment particulier. Ce qu’on disait sur son ancien professeur semblait ne le concerner en rien. Jusqu’au soir où il se rendit chez Naruto à la demande abondamment réitérée de Sakura. Les trois ninjas, autrefois équipiers, s’étaient réunis afin de mettre au point un plan d’action pour aider l’homme aux cheveux gris et le forcer à sortir de son apathie. Si le dernier des Uchiwa était d’avis de le laisser tranquille, ce n’était pas celui des deux autres.
«Enfin, Sasuke, on ne peut quant même pas rester sans rien faire! Kakashi-sen.. Kakashi a besoin de notre soutien, assura Sakura.
— Vraiment? Selon moi, le temps est le meilleur remède au mal dont il souffre. Le temps et la solitude. Il n’a pas besoin de nous, ni de personne. Et moins que tout de ses anciens élèves qui viendraient le narguer de réussir toutes leurs missions alors que lui a si lamentablement raté celle-ci.
— Tu sais que c’est faux. Primo, ce n’est pas sa faute si la mission a échoué, deuxio...
— Secundo!
— ... nous savons tous deux à quel point ça fait mal d’être seul pour traverser ces moments. Parce que moi, j’ai toujours voulu quelqu’un pour partager mes réussites comme mes échecs. Et je crois que toi aussi, tu aurais voulu une personne à tes côtés à qui te confier, rétorqua Naruto.
— Toi peut-être, mais pas moi.
— Il faut juste trouver une personne adéquate, poursuivit Naruto sans tenir compte des paroles du jeune homme.
— Oui, sans doute. Parmi nous trois, seul Sasuke pourrait remplir ce rôle.
— Pourquoi moi? protesta ce dernier en se tournant vers Sakura.
— Oui, pourquoi lui et pas moi? Ou toi? renchérit le blond.
— J’en serai incapable, je n’ai jamais connu rien de pareil. Ces sentiments qu’il doit éprouver, je les ignore. Toi, fit-elle en regardant Naruto, je ne suis pas sure que tu parviennes à trouver les mots justes. En fait, je crois que tu ne saurais absolument pas quoi lui dire.
— Parce que moi, je saurai? demanda Sasuke, acerbe.
— Sans doute plus que lui.» répondit la jeune femme.
Le jeune brun jeta un regard en coin à Naruto.
«Tu as raison sur ce point, concéda-t-il.
— Hé! protesta le ninja renard.
— Donc, c’est d’accord? Tu iras trouver Kakashi?»
Sasuke soupira.
«Oui. Bien que je ne sois pas sûr que cela servira à quelque chose.»
 
          Voilà comment le ténébreux jounin se retrouva sur le chemin de la demeure de son ancien professeur. Tout en marchant, les mains dans les poches, il se remémora sa première et unique visite...
 
 
Un matin, dans un coin de la forêt proche du village caché de Konoha:
 
          «Grrrr! Kakashi senseï, où êtes-vous?
— Kyaaah! Et dire que je ne me suis pas lavé les cheveux parce que je pensais être en retard! Dis, Sasuke-kun, je ne suis pas trop horrible? questionna Sakura qui avait le matin même essayé un nouveau shampooing parfumé à la violette.
— Nooon, Sakura-chan! Tu es toujours aussi mignonne!
— J’t’ai rien demandé, Naruto! Alors, Sasuke-kun?
— Pas plus que d’habitude, lâcha le genin brun en se retournant afin de cacher à ses coéquipiers son sourire en coin.
— Mer... Merci, Sasuke-kun.» fit Sakura-dehors tandis que Sakura-dedans, effondrée: “C’était censé être un compliment, ça?”
«Ras-le-bol! Ouaïe!»
Dans son agacement, Naruto venait de shooter dans un arbre.
«J’y crois pas! Naruto, tu es en passe de devenir chuunin et tu te fais mal en tapant dans un tronc? Tu es le ninja le plus nul que j’ai jamais rencontré.
— Naaaaan, Sakura-chan! C’est pas ma faute! C’est pasque le senseï m’énerve à toujours être en retard!»
À ces mots, Sasuke avança d’un pas.
«Sasuke-kun, où tu vas?» s’écria Sakura qui était passé de nouveau en mode groupie.
Le genin se figea. Il hésita un instant. Pourquoi répondre alors qu’il n’avait de compte à rendre à personne? Enfin bon, le concept d’ “esprit d’équipe” commençait à se faire jour dans le sien, aussi finit-il par répondre: «Je vais chercher le senseï.»
Et il disparut dans un tourbillon de feuilles mortes.
Naruto et Sakura restèrent immobiles, stupéfaits.
«Bah, comment il sait où habite Kakashi...?» bredouilla le garçon.
 
          Hé oui! Comment notre jeune ténébreux savait où trouver Kakashi-senseï? En fait, dès qu’il avait eu suffisamment confiance en lui et pu constater les capacités de son professeur, Sasuke l’avait suivi jusqu’à son domicile. À cette époque, il avait agi avec pour seule pensée sa sécurité: en ninja pur et dur, il collectait des informations sur ses alliés comme sur ses ennemis.
Hatake vivait dans un quartier retiré, au calme, loin du centre-ville. Depuis que Sasuke avait découvert cet endroit, il aimait y passer de temps à autre, même si cela l’obligeait à faire un crochet sur le chemin du retour. Dernièrement, ses visites avaient augmenté de façon inversement proportionnelle à la distance qu’il mettait entre l’appartement de son professeur et lui-même. Mais d’habitude la prudence et la décence les plus élémentaires le maintenaient à un périmètre respectable. Ce jour-là, ce matin-ci, il allait enfreindre cette règle qu’il s’était imposée à lui-même. Pour la première fois, il monta les escaliers de l’immeuble. Tout autour de lui était tel qu’il l’avait imaginé. Arrivé au troisième étage, il trouva la porte du duplex close. Mais bon, on est un génie ou on ne l’est pas! Il força la serrure sans problème et poussa le battant. Aucun signal d’aucune sorte, aucun déclenchement intempestif de chakra quelle que soit son origine. Il traversa les pièces le plus silencieusement possible et parvint à la chambre à coucher sans avoir été inquiété. Kakashi-senseï avait vraiment une trop grande confiance en lui-même. À ce niveau, on pouvait même parler de stupidité! Si le salon s’était révélé clair et bien rangé, cette dernière pièce renfermait un capharnaüm impressionnant. Du linge trié en tas propre et tas sale formaient des collines sur les chaises. Des tomes de la prolifique série du Paradis du batifolage, parfois en plusieurs exemplaires, s’empilaient sur le sol. Un des murs, celui qui se trouvait au pied du lit, était couvert d’armes diverses, certaines accrochées, d’autres plantées dans la paroi. À croire que le professeur ne rentrait que pour dormir et n’avait aucune utilité de son salon. D’ailleurs, en parlant du lit...
“J’y crois pas! Il est vraiment en train de dormir?! C’est parce qu’il fait la grasse mat’ qu’il est en retard à chaque cours?”
Contrairement au reste de la pièce, et malgré qu’il soit encore occupé, le lit était relativement bien mis. Kakashi ne devait pas beaucoup bougé la nuit. À la tranquillité de la respiration de l’homme, Sasuke jugea qu’il ne l’avait pas dérangé et que le jounin dormait toujours. Kakashi reposait sur le dos, le visage tourné vers l’intérieur de la chambre, comme s’il boudait les rais de soleil qui menaçaient de le réveiller.
“Alors, voilà à quoi il ressemble sans son masque. Je ne vois pas pourquoi il s’obstine à le porter, il est plutôt pas mal. Enfin, c’est ce que se dirait une fille. Ou peut-être justement que les filles lui ont trop dit et qu’il s’en est lassé.”
Les mains dans les poches, le garçon s’approcha.
«Kakashi-senseï?» appela-t-il d’une voix posée.
L’interpellé ne bougea pas d’un pouce. Le genin s’avança encore plus près et se pencha. Son visage n’était plus qu’à quelques dizaines de centimètres de celui de son professeur.
«Kakashi-sen...»
Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase: cette fois-ci, l’homme réagit. Il ouvrit des yeux encore aveuglés de sommeil et sourit, le regard dans le vide.
“Pfff... Il est encore dans son rêve. Vraiment long au réveil, le senseï.”
Puis il fit un geste auquel Sasuke ne s’attendait absolument pas. Ce fut une telle surprise pour lui qu’il en oublia de repousser la main qui s’était posée sur sa joue. Parce qu’il l’avait repoussée, elle ne l’aurait pas caressé comme ça et un pouce ne se serait jamais aventuré à lui frôler les lèvres. De même, c’était la surprise qui lui avait fait ouvrir la bouche. La surprise, et rien d’autre.
“Vraiment pas réveillé...” se dit le genin, trop choqué pour s’autoriser à penser à autre chose.
Soudain, les yeux verrons se fixèrent sur lui. Ils s’agrandirent, marquant la stupéfaction de l’homme aux cheveux gris.
«Sasuke-kun? — L’association de cette particule aux douces caresses que lui prodiguait son professeur fit frémir le genin. — Mais, qu’est-ce que tu fais dans ma chambre?»
Puis, comme s’il remarquait tout à coup ses gestes, il s’interrompit et eut un rire gêné.
«Enfin, je suppose que c’est de ma faute. Je ne devrais pas arriver à chaque fois en retard à vos cours, reconnut-il en se redressant et en ébouriffant ses cheveux. Mais, qu’est-ce que tu veux, on est jeune qu’une fois, et il faut bien profiter de cette jeunesse! Non?»
Sasuke s’abstint de réponse. Il se détourna du jounin en pyjama bleu ciel et se dirigea vers la porte de la chambre.
«Je vous laisse vous préparer, senseï. Je vais rejoindre Naruto et Sakura et les avertir que vous arrivez. Ne vous rendormez pas, je ne viendrai pas vous chercher une seconde fois.»
Et il sortit.
 
 
          Sasuke sourit en se souvenant de sa phrase. Voilà une promesse qu’il aura tenu longtemps. Six ans pour être exact. À présent, face à l’entrée de l’appartement de son professeur, il s’apprêtait à la briser.
          Contrairement à la première fois, il n’eut pas à forcer la serrure. La porte n’était pas verrouillée. Ce manque de prudence consterna le jounin tout en le rassurant sur un point: ce n’était pas par couardise que Kakashi se terrait chez lui. Il traversa le salon. Celui-ci n’avait pas changé, hormis le fait que tous les objets et meubles qu’il contenait avaient été brisés. Le saccage aveugle d’un homme en colère. Et les traces de sang de quand cet homme s’était blessé.
“Bien, mieux vaut qu’il se défoule sur le mobilier plutôt que sur ses visiteurs. Surtout lorsque c’est moi qui lui rend visite.”
Aucun bruit dans la cuisine et pas plus dans la salle de bain. Il passa la porte de la chambre. Aussitôt, il fut assailli par l’odeur forte d’une pièce qu’on n’avait pas quitté depuis plusieurs jours sans pour autant se soucier de l’aérer. Comment son ancien professeur avait-il pu se laisser aller à ce point? Le jour passait et, malgré les volets fermés et les rideaux tirés, venait éclairer faiblement la chambre. Dans la pénombre, Sasuke distingua une masse enfouie sous les draps, dont seule dépassait une mèche de cheveux gris. Kakashi Hatake.
Le jeune homme demeura indécis. Déjà qu’au départ il n’était pas chaud pour cette mission, il n’allait pas en plus le réveiller! Il s’apprêtait à tourner les talons quand une voix rauque murmura: «Il n’est pas endormi, tu sais?»
Sortant de l’ombre, Pakkun s’avança vers le jounin.
«Il fait seulement semblant, pour que tu partes et que tu le laisses tranquille.
— Si c’est ce qu’il veut...»
Et Sasuke de faire un pas vers la sortie.
«Hé, gamin, tu vas vraiment repartir comme ça? Sans même essayer de l’aider?
— Je ne serais pas ici si les deux autres ne m’y avaient pas envoyé.
— Je vois...
— Et toi, que fais-tu ici? Tu ne peux pas venir dans notre monde sans que l’on t’invoque, il me semble?
— Depuis que Kakashi s’est lié à nous, il nous invoque chaque nuit pour veiller sur son sommeil. Bon, là, il fait jour, mais vu son état, j’ai décidé de rester.
— Tu es sûr qu’il est éveillé? Il nous écoute, donc?
— Oui. Et s’il ne l’était pas, il l’est sûrement maintenant vu le boucan que tu fais!»
Le jeune homme ne fit pas attention à une mauvaise foi si insolente. Par contre...
«Qui me dit que tu n’es pas encore en train de me mentir? Tu viens de le faire à l’instant.
— Moi?
— Tu m’as dit que vous l’avez veillé chaque nuit, à chacun de ses repos. Pourtant, il y a un matin, voilà six ans, où vous n’étiez pas là, ni toi ni un autre chien.
— Le matin où tu es venu? Bien sûr que si, j’étais là! Mais tu ne constituais pas une menace, alors je t’ai laissé faire. Et puis, de toute façon, ton entrée peu discrète avait dérangé mon maître. Il était parfaitement réveillé lorsque tu as pénétré dans cette pièce.
— Pardon?
— Pakkun! Ça suffit! Barre-toi, disparais!»
Sasuke se tourna vivement vers l’endroit où la dernière phrase avait été prononcée. Kakashi s’était redressé, faisant glisser les draps le long de son torse nu. Il avait une barbe de plusieurs jours, les yeux fatigués et une expression menaçante. Avisant l’absence d’une chemise quelconque, le jeune brun fouilla plus attentivement la pièce du regard. Les livres avaient été remplacés par des vêtements qui traînaient ça et là. Dans la pagaille, un pyjama.
“Attendez, ne me dites pas qu’il est entièrement... qu’il ne porte rien sur lui?”
Puis, réalisant soudain ce qu’impliquaient les révélations du petit chien: “Mais, s’il se trouvait complètement réveillé quand je suis entré dans sa chambre, pourquoi a-t-il agi de la sorte?”
Il leva les yeux vers le jounin qui le fixait intensément. Aussitôt celui-ci brisa le silence.
«Alors comme ça, ils t’ont envoyé me remonter le moral?»
Sasuke acquiesça de la tête.
«Pourquoi toi?
— Parce que j’étais le seul à trouver cette idée stupide, je pense.
— Mais tu es venu quant même.
— Je les aurais eus tout le temps sur le dos sinon.
— Dans ce cas, tu peux repartir. Personne ne t’en voudra d’avoir échoué.
— C’est un défi?
— La meilleure solution pour que ni toi ni moi ne soyons ennuyés plus longtemps.
— Bof, puisque je suis là...
— Ne me dis pas que te voilà soudainement décidé à rester?
— Je m’ennuie déjà chez moi. Pourquoi ne pas voir ce que donne l’ennui de votre compagnie?»
Kakashi hésita un instant. Mettre ou ne pas mettre cet importun à la porte, là était la question. Mais l’envie d’agir lui manquait. Il supporterait donc sa présence et espérait que celle-ci ne le troublerait pas trop. Il n’était pas en état de se contrôler avec autant de maîtrise que d’habitude. L’homme fit un geste pour se lever et se figea aussitôt comme le drap le découvrit jusqu’à son bas-ventre. Il saisit vivement le tissu afin de protéger le peu de pudeur qui lui restait. Le fait qu’il ne prenait plus la peine depuis plusieurs jours de se vêtir avant de se traîner jusqu’à son lit lui était sorti de la tête et il ne s’en était rappelé qu’à la dernière minute. Encore heureux! Il n’imaginait que trop les conclusions que son ancien élève en aurait déduit s’il s’était affiché devant lui nu comme un ver! Surtout après les révélations de ce maudit Pakkun. Il tira sur le drap pour le dégager du sommier et le noua autour de sa taille. Puis il se leva et passa près de Sasuke en l’ignorant délibérément. Ce n’est qu’une fois au seuil de la porte qu’il lui dit sans se retourner: «Il y a de quoi faire du café dans la cuisine. Prépares-en le temps que je prenne une douche.»
Et il sortit.
 
          Une fois sous l’eau, le jounin aux cheveux gris prit tout son temps: il espérait que Sasuke comprendrait que le mieux pour tous les deux était qu’il s’en aille. Mais il n’avait guère d’espoir: l’entêtement des Uchiwa était connu par-delà les frontières du village.
          Et en effet, le fervent adepte de la ténébrattitude s’obstinait à accomplir une épreuve de taille: faire du bon café. Il n’avait pas eu trop de mal à trouver les ustensiles nécessaires, la cuisine étant plutôt bien rangée. Remplir la cafetière d’eau, ça il savait le faire. C’était après que les choses se compliquaient: il n’arrivait jamais à trouver les bonnes proportions et son café se révélait inévitablement une boisson fade vaguement noirâtre ou un brouet horriblement amer d’une teinte qui aurait rendu un trou noir vert de jalousie. Bref, il prit son temps, espérant que le maître des lieux sortirait rapidement de sous sa douche et le libérerait de cette tâche ingrate. Manque de pot, le dit maître ne semblait pas vraiment pressé de quitter la salle de bains. Arriva un moment où Sasuke ne put attendre plus longtemps: la situation devenait ridicule. Prenant son courage à deux mains, il saisit le doseur et le paquet de café et vida trois mesures dans le filtre en place. Mieux vaut trop que pas assez, comme on dit. Puis il ferma le couvercle, poussa le bouton et patienta. Pour tuer le temps et malgré l’heure tardive, il mit la table pour un petit déjeuner. Cette tâche finie, il patienta encore. Il observa avec attention chaque objet présent dans la pièce. Cela terminé, il patienta toujours. Il se remémora les différentes stratégies qu’il avait manigancées et les mit mentalement face à face avec ce qu’il avait pu voir du ninja. Un Hatake complètement vide, n’ayant apparemment plus goût à rien, insouciant de son corps et de ses besoins, totalement obnubilé par sa douleur. Le jounin n’était pas en état de faire la vaisselle et pourtant il n’y avait nulle trace de couverts sales. Avait-il réellement cessé de manger depuis son retour de mission? Il est vrai qu’il lui avait paru plus maigre que d’habitude quand le drap avait... glissé... le long de son torse. De son torse musclé, pâle, et plus pâle encore là où de fines cicatrices s’étiraient, blafardes. Le mauvais côté de la vie de ninja. Mais ces blessures n’étaient rien comparées à celles qui rongeaient de l’intérieur l’homme aux cheveux gris. Mince, comment un homme aussi fort pouvait avoir un corps aussi bien proportionné, une silhouette aussi élancée, des hanches aussi étroites et ce doux cheminement argenté qui menait jusqu’à ce fruit que le jounin avait défendu de justesse des regards avides du ninja qui l’observait et qui ne lui aurait certes pas tenu rigueur s’il avait réagi avec moins de précision quoique cette qualité aille souvent de paire avec le savoir-faire et que dans un genre bien particulier de...? Sasuke soupira. Ses pensées s’éloignaient de la raison pour laquelle il était venu ici. À dire vrai, les paroles de Pakkun l’avaient troublé. Il se connaissait suffisamment bien et avec assez de lucidité pour ne pas nier qu’il se sentait attiré par son ancien professeur, et cela depuis plusieurs années. Mais imaginer que cette attirance pouvait être réciproque... Il se repassa la scène une dizaine de fois dans sa tête, “afin de chercher des indices” se justifia-t-il. Cependant, au fond de lui, il savait que ce mobile était l’excuse de sa conscience: son subconscient lui soufflait une toute autre raison que les réactions de son corps lui permettaient de moins en moins d’ignorer. Le drap découvrant les pectoraux, le ventre, cette chair chaude et encore humide de la transpiration d’un sommeil agité, dépassant le cap du nombril, puis coulant, dévoilant la toison qui prenait naissance au creux des reins pour poursuivre sa route en des lieux par lui inexplorés. Le feu qui courait dans les veines de l’Uchiwa, tel du chakra de lave mêlant puissance et désir, se concentra dans son bas-ventre. Le ninja brun s’appuya sur la table, les mains tremblantes de convoitise étouffée. Kakashi passant près de lui, un drap léger protégeant sa vertu de sa seule présence. Kakashi le frôlant, ne semblant nullement gêné par sa nudité. Alors que lui... Lui ne pouvant empêcher son regard de venir se nicher dans le creux de les clavicules, de longer les contours du torse dessinés au fusain, étonnamment visibles alors que la pâleur de sa peau donnait à l’homme une apparence fantomatique. Lui se demandant comment le jounin réagirait s’il osait faire un geste, ce geste, si tentant, ô combien alléchant, de retenir ce drap maudit tandis que l’homme le dépassait. Ses doigts se crispèrent sur le rebord de la table au point d’en blanchir leurs articulations et un gémissement roula dans sa gorge pour y mourir aussitôt. Les ninjas ont l’ouïe fine, il ne faudrait pas que son ancien professeur vienne à l’entendre. Lui ou un de ses chiens. Sasuke voyait d’ici la mine consternée de Pakkun devant la stupidité des humains. C’est alors que le jeune homme remarqua que l’eau s’était arrêtée de couler.
 
          Kakashi sortit de sa douche. Il s’essuya et enfila son habituel pantalon bleu marine ainsi qu’un T-shirt gris molletonné. Puis il se dirigea vers la cuisine où son ancien élève devait encore être en train de patienter, s’il le connaissait aussi bien qu’il le croyait. Tout en continuant à frictionner ses cheveux, il poussa la porte de la pièce. Malgré ses trois-quarts-d’heure-histoire-de-ne-pas-dire-une-heure-entière passés sous l’eau, Sasuke était toujours à l’attendre. Cela ne l’étonnait même pas. Par contre, que celui-ci ne l’ait pas entendu entrer avait de quoi le surprendre. Retrouvant ses manières sans s’en rendre compte, il mit les mains dans ses poches et observa le jeune homme avec une curiosité placide. Placidité vite remplacée par un frissonnement et un intérêt accru quand il le vit saisir la table et en griffer le bord. Intérêt qui se changea plus rapidement encore en certitude douloureuse lorsque le ninja sombre se mordit la lève inférieure afin de retenir un gémissement. L’Uchiwa tentait de réfréner ses ardeurs, ou plutôt une ardeur pressante et immédiate, ici, devant lui. Kakashi se trouva soudain ridicule: à cette pensée, il s’était senti rougir. Ridicule et gêné: le rouge aux joues n’était pas la seule chose qui était monté chez lui. Tout à coup, Sasuke se tourna vers lui. Le jounin avait l’air au moins aussi confus. Ce dernier marqua un temps d’arrêt en se retrouvant face à un Hatake encore couvert d’une buée née de l’eau chaude de la douche. De sa chevelure peu disposée à être séchée s’échappaient des gouttelettes qui venaient rouler le long de son cou, suivant le trait de la nuque ou bifurquant au contraire pour se glisser sous le col et — Sasuke pouvait presque les voir tant il les imaginait avec force et envie — courir sur le torse pour enfin se perdre dans des collines abdominales. Une serviette de bain recouvrait sa tête. Un pan de celle-ci retombait sur son visage, masquant son œil gauche. Depuis que le jounin brun avait appris comment il se l’était procuré, le senseï était toujours mal à l’aise devant Sasuke quand il s’agissait de révéler le sharingan.
«Je suppose que le café doit être prêt? demanda Kakashi, peut disposé à laisser un silence embarrassé s’installer.
— Oui. Je vous sers? proposa — à son propre et grand étonnement — le dernier des Uchiwa.
— Non, laisse. Tu es mon invité. Enfin, mon visiteur serait un terme plus exact. Alors c’est à moi d’assurer le service, non, Sasuke-kun?»
L’interpellé sursauta. Cela faisait longtemps que plus personne n’osait l’appeler ainsi! En tout cas devant lui.
«Aaah, pardon, Sasuke. Je sais que tu n’es plus le jeune garçon à qui j’enseignais, mais que veux-tu, les vieilles habitudes ont la vie dure!
— Même à cette époque, je vous trouvais un peu trop familier avec vos élèves.
— Vraiment? fit distraitement le ninja en le servant.
— Le terme exact serait “trop proche”. D’un élève en particulier. En particulier un certain matin, le dernier où vous êtes arrivé en cours avec plus de deux heures et demie de retard.
— Vraiment...»
Kakashi versait le café dans sa propre tasse à présent. Et Sasuke eut beau ouvrir les yeux, le liquide ne trembla pas. Reportant son attention sur le visage amer et calme de son ancien professeur, l’adepte de la ténébrattitude mit tout son savoir dans un de ces sourires d’une moquerie acide dont il avait le secret. S’il avait gardé le regard fixé sur ses mains, il les aurait vu frissonner. Mais Kakashi gardait une figure impassible.
«Surprenant ce que Pakkun a laissé entendre tout à l’heure.
— N’est-ce pas? Hélas, la pauvre bête n’a plus toute sa tête.
— Dans ce cas, la raison pour laquelle vous avez réagi aussi violemment à ses paroles est?
— Je craignais qu’il ne t’importune, voyons! Un ninja comme toi n’a pas de temps à perdre avec les divagations d’un chien sénile, je me trompe?
— Je n’y avais de toute manière pas prêté attention.
— Et tu as eu raison!» conclut l’homme aux cheveux gris.
Sur ces bonnes paroles, il porta la tasse à ses lèvres et but une gorgée. Gorgée qu’il s’empressa de recracher aussitôt.
«Sasuke-kun! Tu es venu m’aider ou m’empoisonner?»
Devant l’air froid du ninja, Kakashi se reprit.
«Bon, d’accord, il n’est pas absolument imbuvable. Le goût surprend au début, après le palais s’habitue...»
Il ingurgita une nouvelle gorgée.
«... plus ou moins vite.»
Sasuke garda sa moue pincée. Kakashi reposa la tasse et, posant aussi ses coudes sur la table, se prit la tête dans les mains. La serviette qui était restée perchée tout ce temps sur son crâne glissa sur ses épaules.
«Écoute, Sasuke, dit-il d’une voix fatiguée. J’aimerais que tu partes maintenant. Je ne suis pas en mesure de recevoir qui que ce soit et je n’ai aucune envie d’être épaulé ou aidé ou soutenu ou consolé ou je ne sais quel nom vous donnez à ce pour quoi tu as été envoyé chez moi. Alors, pourrais-tu t’en aller, s’il-te-plaît?»
Sans un mot, le jounin à qui s’adressait cette requête ultime d’un homme abattu et fier se leva et s’avança vers la porte. Il attrapa la poignée et se figea, hésitant. Puis il baissa la tête et sembla se recueillir quelques secondes. Quand il parla, son intonation fut basse et rauque.
«N’est-ce pas plutôt la peur de révéler votre faiblesse qui vous fait tenir ce discours?»
Un soupir monta du centre de la pièce.
«Si c’est ce qu’il te plaît de croire...
— Quand... quand mes parents sont morts, assassinés par mon frère, je ne voulais pour rien au monde qu’on puisse voir à quel point cela me faisait souffrir. Je me sentais doublement coupable: de n’avoir rien pu faire pour les sauver et de pleurer leur départ d’une façon égoïste avec la pensée que leur mort m’a marqué plus dans ce qu’elle me retirait que dans ce qui leur avait été enlevé.»
Kakashi leva la tête et planta ses yeux dans ceux du jounin. Deux regards, trois sharingan, le tableau était étrange.
«Sasuke, j’apprécie ce que tu essaies de faire, mais c’est inutile. Sincèrement, je voudrais te voir partir.
— Et moi, j’ai décidé de rester.
— Sasuke...
— Venez avec moi.
— Pardon?
— Venez avec moi. Nous allons rendre visite à vos amis.
— Non, Sasuke...
— Et cessez de répéter mon nom comme ça, ça en devient gênant!
— Vraiment?» demanda le ninja aux cheveux gris en regardant avec attention le jeune homme.
Celui-ci lui tournait le dos de nouveau, de façon à ce que son ancien senseï ne puisse pas voir le rose qui s’était bêtement répandu sur ses joues à cette réflexion stupide.
«Vraiment. Cela pourrait laisser croire que vous n’avez qu’un mot de vocabulaire.»
Hatake eut un bref sourire triste. Le dernier des Uchiwa avait fait volte-face juste à temps pour l’apercevoir. Il s’en autorisa lui-même l’esquisse, un vrai sourire cette fois et non son rictus habituel, qui disparut aussitôt quand il vit que celui de l’homme aux cheveux gris s’était évaporé. Le ninja brun s’approcha de lui et se campa ferme sur ses deux pieds, les poings sur les hanches, dans la posture appelée “essaie-donc-de-me-faire-bouger-de-là-si-tu-peux” ou plus communément connue sous le nom du “et-oui-j’ai-décidé-de-t’emm*****-jusqu’au-bout!”
«Senseï, vous allez venir avec moi. Je ne suis pas homme à répéter les choses deux fois!»
Kakashi sourit involontairement devant les deux erreurs que son ancien élève avait faites. Sasuke qui essayait de faire de l’humour, à ses dépends qui plus est! Il ne devait réellement pas avoir bonne mine. L’homme pivota sur sa chaise afin de faire face au jounin sans se tordre le cou. Un tel dévouement ne pouvait qu’être récompensé. Et puis, surtout, le jeune brun ne le lâcherait pas avant qu’il se soit plié à son caprice. Un petit effort et il serait débarrassé de lui: le jeu en valait la chandelle! Alors qu’il relevait le front et ouvrait la bouche pour dire qu’il acceptait, Sasuke se laissa tomber en avant et posa ses mains sur les genoux du ninja aphasique.
«Al...»
La syllabe mourut dans la gorge de l’Uchiwa, étouffée par la surprise, émotion rapidement suivie par celle, plus trouble, de l’excitation réprimée. Il vit les pupilles d’Hatake se dilater, sentit les cuisses de l’homme frémirent sous ses paumes. Et devina sans peine la progression des frissons jusqu’à un endroit autrement plus sensible du guerrier fasciné qu’il tenait captif sous son regard. Les sentiments de Kakashi avaient été mis à vif par les souffrances qu’il avait endurées et la terreur à laquelle il avait dû faire face lors de sa récente mission. Sa sensibilité exacerbée par le manque de sommeil et le délire léger mais constant dans lequel il avait passé les derniers jours le laissait sans protection devant un Sasuke que les années avaient rendu toujours plus désirable et plus inaccessible et qui à présent se trouvait penché sur lui, son torse tendu vers le sien, ses doigts enserrant doucement ses cuisses et ses lèvres... Ses lèvres entrouvertes, ses lèvres humides... Ses mains qu’il sentait glisser plus en amont, se rapprocher... Comme son visage... Comme ses...
«C’est d’accord, on y va!»
La brusquerie de la déclaration fit sursauter Sasuke. Il se redressa, un peu perdu, avec l’impression de sortir d’un rêve. Oui, désagréable impression d’avoir perdu le contrôle pendant quelques secondes.
«Je vais me changer et j’arrive.» fit Kakashi en se levant prestement.
Plantant là pour la seconde fois le dernier descendant des Uchiwa, glorieuse famille noble et respectée par tous dans le village caché de Konoha et même au-delà, il se dépêcha vers sa chambre et s’empressa de fermer la porte derrière lui avec toute la célérité qu’il pouvait mettre dans ses actes sans que ceux-ci laissent penser à une fuite. Dans le salon déserté, Sasuke se laissa tomber sur la chaise que son ancien professeur venait de quitter et à son tour poussa un long soupir.
 
          Posté devant la glace, Kakashi arrangeait son bandeau. Il avait remplacé son T-shirt par une chemise blanche propre et néanmoins froissée et mit le masque noir qui épousait exactement les lignes du bas de son visage. Cependant, à la place de l’habituel accessoire frontal dont il se servait pour cacher le sharingan, il avait noué un foulard noir autour de son crâne. Soudain, une voix se fit entendre derrière lui:
«Hep, patron! On dirait que tout se passe bien avec le sale garnement! Z’êtes sur la bonne voie, faut foncer!
— Pakkun? Je ne vois pas de quoi tu parles.
— Vous n’avez pas vu comment le gamin vous fait du gringue? J’vous l’dis, z’êtes sur la bonne pente, y a pas tortiller!» dit le chien en ponctuant sa phrase d’un clin d’œil complice et égrillard.
Kakashi se tourna vers lui, les épaules basses, la tristesse inscrite dans son attitude plus que dans son visage dont on ne distinguait que l’œil droit.
«Pakkun, Sasuke agit comme ça pour me réconforter, c’est tout.
— Vous rigolez? Vous avez vu la façon dont il vous matait?
— Dans mon état, je doute qu’il y ait grand-chose à “mater”.
— Mais enfin, patron, vous savez bien que ce n’est pas le genre d’un Uchiwa de s’offrir à quelqu’un sous le coup de la pitié. Vous connaissez assez le môme pour ça!
— J’ai fréquenté quelques Uchiwa, oui. Suffisamment pour savoir qu’il vaut mieux éviter de leur tourner le dos. Une famille trop lunatique. Soit, si ce n’est pas par égard à ma souff... situation, c’est parce qu’il pense avoir une dette à payer envers moi. C’est plus leur style, ça, tu ne trouves pas?
— Pourquoi vous vous obstinez à nier l’évidence? Si j’ai bien compris toutes vos magouilles, vous en êtes au point où vous lui devez quelque chose, non?
— Il a pu se tromper dans le compte.
— Pas un Uchiwa.
— De toute façon, rien ne se passera aujourd’hui. Inutile donc de perdre notre temps en conversation futile.
— Et pourquoi ça?
— Allons, Pakkun, je te pensais plus malin! Parce que j’ai autre chose de nettement plus pressant à faire que d’avoir une discussion qui ne se conclura jamais.
— Vous m’avez très bien compris, Kakashi-senseï.»
Le jounin fronça les sourcils devant le ton sérieux qu’avait pris le toutou ninja. Lorsqu’il reprit la parole, ce fut à voix basse et acérée:
«Mon équipe s’est faite proprement charcuter, la majeure partie en est morte il y a, quoi, une semaine, et tu voudrais que je batifole joyeusement avec un de mes anciens élèves après l’avoir consciencieusement perverti?
— M’est avis qu’il ne vous a pas attendu pour être perverti, le bambin.
— Pakkun!
— Kakashi-sama, vous m’avez invoqué quand vous étiez là-bas, vous vous souvenez? J’ai vu de mes propres yeux ce qui s’est passé. Et vous n’avez pas de honte à avoir d’être un peu ébranlé. Votre respect pour vos équipiers morts est lui aussi tout à fait honorable et compréhensible.
— Mais...?
— Mais ça fait un paquet d’années maintenant que vous avez flashé sur le gosse. Et enfin, vous avez l’occasion de faire une touche. Franchement, ce serait stupide de ne pas en profiter!
— Je te remercie pour ton avis éclairé, Pakkun. À présent, file avant que je ne me souvienne à qui je dois le fait que Sasuke-kun a découvert...
— Vos sentiments pour lui?
— Un moment d’égarement stupide que je ne vivrai certainement pas une deuxième fois.»
En trois enjambées, l’homme fut près de la porte.
«Y z’ont raison au village. Vous êtes un lâche, patron.»
Kakashi stoppa net.
«C’est d’ailleurs pour ça que vous lisez cette daube. Tant que ça reste dans vote tête, vous ne vous impliquez pas, et comme ça, pas d’souffrance!»
Le ninja se retourna, le regard glacial. Puis il afficha un grand sourire radieux.
«Allons, Pakkun, il ne faut pas critiquer le Paradis du batifolage! Je t’assure que c’est une bonne série. Tiens, profite de mon absence pour en feuilleter un exemplaire, je te parie que tu vas aimer! Quant au reste — sa voix se fit plus froide — cela ne regarde que moi. Ma vie est la propriété du village de Konoha, mais il m’appartient encore de décider de quelle manière je souhaite la mener. Et je n’aime pas avoir quelqu’un continuellement dans mes pieds. À bon entendeur...»
Sur ce, il alla rejoindre le ténébreux jounin.
 
          Les deux ninjas se tenaient près de la stèle mémorielle où tant de noms se trouvaient gravés. Recueillis, le front bas, chacun suivait le cours de ses pensées dans la lumière décroissante du couchant. Kakashi détaillait un par un le visage de ses compagnons morts, les faisant mentalement défiler en une farandole sinistre et mortuaire. Sasuke se demandait comment diable renouer le dialogue. Mais pourquoi était-ce lui que les deux autres boulets avaient envoyé? Leur lourdeur était une preuve suffisante de leur bagout! Dans le domaine de la conversation, il ne pouvait que s’incliner devant eux. Victoire qu’il leur laissait d’ailleurs bien volontiers... À force de fixer le mémorial, une idée lui vint.
«Kakashi, vous souvenez-vous de ce que vous nous avez dit lors de l’épreuve des deux clochettes?
— Humm?
— “Les noms gravés sur cette stèle sont ceux de valeureux ninjas qui sont considérés comme des héros dans le village.” La mort fait partie inhérente du statut de ninja. Chacun d’entre nous le sait. Vous-même nous l’avez appris dès notre première leçon.
— Il y a une différence entre une mort inévitable et le massacre qui a eu lieu en raison d’une erreur de jugement, Sasuke! À cause de ce ninja, d’un seul ninja, une douzaine d’hommes de bien ont été tués. Qui donc pourrait pardonner à cette personne, et comment?
— Vous parlez de l’Hokage? Mais Hokage-sama n’a jamais voulu ce qui est arrivé! Si la situation avait été portée à sa connaissance...
— Je ne parle pas de l’Hokage! Je suis parfaitement instruit de ses opinions à ce sujet.
— Mais alors...?»
Ces paroles restèrent suspendues dans les airs et s’enfuirent avec les derniers rayons du soleil. Hatake fit face au jeune homme, portant dans son regard la blessure aiguë qui empoisonnait son âme et sa conscience. Malgré lui et comme tant d’autres fois, il remarqua que la beauté du jeune éphèbe se révélait pleinement au crépuscule, en écho charnel à celle de la lune. L’astre pale répandait sa lumière blanche sur le visage de cette fleur sombre qui avait grandi solitaire dans les ténèbres familiales du sang versé. La peau exsangue contrastait durement avec la chevelure de jais. Sasuke avait des cheveux magnifiques, fins et forts à la fois. Cependant, il les portait courts, hormis les quelques mèches dont le balancement masquait régulièrement ses yeux étranges. Sans doute qu’un matin le jeune homme s’était rendu compte de ce que Kakashi avait depuis longtemps remarqué. Le charme taciturne des Uchiwa ne se modifiait guère d’un membre à l’autre. Sans doute qu’un matin le garçon s’était rendu compte que le miroir lui renvoyait l’image maudite de son frère damné.
Mais à cet instant, si l’expression du jounin pouvait recevoir nombre d’épithètes, celles de “familière” ou d’ “habituelle” étaient à bannir. Sasuke laissait voir sa surprise comme il avait rarement exprimé un quelconque sentiment qui pouvait être interprété à son détriment.
«Kakashi-san...»
La particule et le ton grave du jounin montraient son sérieux et le changement qui s’était opéré dans son attitude renforçait l’aura de gravité qu’il dégageait.
«L’Hokage le sait. Je lui ai dit. Je ne pousse pas la bêtise jusqu’à la traîtrise en dissimulant des informations. Ni jusqu’à la lâcheté.
— Peu m’importe l’Hokage! Kakashi, ne me dites pas que vous vous sentez entièrement responsable de ce qui s’est passé là-bas?
— Non. Je ne m’en sens pas responsable.
— Dans ce cas...
— Je le suis.»
L’Uchiwa l’envoya à terre d’un  brusque coup de poing. En percutant le sol, l’ancien professeur eut la pensée incongrue que son élève avait bien progressé: il ne l’avait même pas vu venir, celui-là!
«Ne dites plus jamais ça.»
La voix sifflait, menaçante, en parfaite adéquation avec la silhouette inquiétante qui se découpait parmi les étoiles.
«Un homme seul ne peut être responsable d’un mauvais coup du sort! Vous les avez forcés à vous suivre ou ils ont adhéré de plein gré à votre plan?
— Là n’est pas la question...
— Ils pensaient donc que l’idée n’était pas mauvaise. Ils se sont trompés tout comme vous. Ils sont responsables de ce qui leur est arrivé au même titre que vous.
— Je ne suis pas mort.
— Et c’est pour cette raison que vous vous en voulez?
— Ils se sont faits tuer sur mes indications. J’aurais dû être le premier à payer mon incompétence.
— Mais la vie n’est pas juste. C’est même pour cela qu’existent les ninjas. Toujours est-il que vous êtes vivant.
— Je me suis enfui.
— En sauvant deux d’entre eux!
— Je les ai récupérés à la lisière...
— Vous seriez mort inutilement si vous vous étiez attardé!
— Comment le savoir? Pourquoi t’en montres-tu si sûr?
— Parce qu’on m’a envoyé sur suffisamment de missions suicides pour que je sache comment ça se passe.»
Kakashi baissa la tête. Sasuke s’approcha et lui tendit la main. Le jounin aux cheveux gris la saisit et se leva. Debout, il se rendit compte que son torse n’était séparé de celui du jeune brun que de quelques centimètres seulement. Et leur visage d’autant...
Le souffle tentateur de Sasuke sur ses lèvres...
La main hésitante de Kakashi dans la sienne...
 
          «Et bien, Sasuke-kun! On peut dire que tu as bien grandi, fit Hatake en reculant d’un pas.
— Il est rare de vivre une vie de ninja sans que celle-ci ne vous oblige à mûrir» répondit prudemment l’Uchiwa tout en dissimulant son dépit.
Il se tourna vers la stèle.
«Il y a là gravés des noms d’anciens équipiers à moi. Je ne pouvais pas en supporter la plupart, mais j’en appréciais quelques uns. Je leur ai survécu. Beaucoup avaient une famille. Je ne prétends pas que ce soit juste ou mérité. Mais je constate ce fait et je m’en accommode. Je vis et pas eux. Alors autant profiter de cette chance. La gâcher serait à mon sens désavouer le bonheur d’être vivant et nier non seulement ce pour quoi ils se sont battus, mais aussi la douleur de leur décès pour ceux qu’ils étaient et pour ceux à qui ils manquent. Votre réaction à mon sens ne fait pas honneur à leur mémoire. Ou plus exactement, si elle leur fait honneur, elle ne leur rend pas justice. Puisque vous êtes encore parmi nous, sur cette terre, vivez la vie qu’ils auraient aimé vivre. Le genre de vie qui vaut la peine d’être vécue.»
Hatake avait ouvert plusieurs fois la bouche durant la tirade du jeune homme. Maintenant que l’Uchiwa s’était tu, il n’osait plus prononcer la moindre parole. Il sentait la justesse d’un tel raisonnement. Néanmoins, celui-ci ne le convainquait pas entièrement. Une seule réplique convenait à la situation tout en le sortant de l’embarras et sans pour autant l’engager.
«Merci, Sasuke.»
Le sombre jounin frissonna, les yeux toujours fixés sur le mémorial.
«Vous n’adhérez pas à un seul fragment de ces idées, n’est-ce pas?»
L’homme s’approcha de lui d’un pas traînant, les mains dans les poches. Il s’arrêta suffisamment près pour que Sasuke sente son souffle lui chatouiller la nuque.
«Tu l’as dit toi-même: “Là n’est pas la question.”»
Le ninja brun poussa un soupir d’abandon. Subitement, il perçut dans son dos le regard de son ancien professeur. Il apposait le long de sa colonne une brûlure révélatrice de l’attention soutenue que l’homme lui portait. Sasuke pouvait distinguer le déplacement de la pupille, ses tours et détours, tout à la fois examen critique de son corps et artifices pitoyables ayant pour but de retarder l’inévitable destination de cette observation affamée. Le jeune guerrier frémit sous cette volupté ardente et immatérielle. Le désir qu’il avait éprouvé une heure plus tôt se rappela à son bon vouloir. Il lui sembla que de l’électricité circulait entre leur deux corps, les liant l’un à l’autre, les poussant à se rapprocher de la même manière que s’attirent les deux pôles d’un aimant. Certitude qu’inexorablement, en dépit de toute volonté, la peau des deux hommes finirait par se toucher. Enfin, l’œil avide se posa sur ses hanches et, après une hésitation ultime, glissa d’un cran. Sasuke entendit le jounin manquer une respiration et gémir, à la lisière de l’audible. Ce simple son provoqua en lui un vertige. Puis une chaleur soudaine enflamma en son bas-ventre. Il devina le mouvement irrépressible qu’amorçait le bassin du jounin derrière lui. Son excitation monta brutalement et de l’amadou se répandit dans ses veines, ne demandant qu’à être allumé. Mais brusquement, sans que rien ne le laisse prévoir, son ancien professeur poussa une soupir qui vint enrober son cou d’une caresse et se détourna de lui. À défaut d’une douche froide, Kakashi avait décidé de s’abîmer dans la contemplation du ciel nocturne. La tête en arrière, il tentait désespérément d’oublier la proximité du jeune homme, déchiré entre le besoin de l’enlacer et celui de s’éloigner s’il voulait résister à cette tentation. Sasuke ne parlait plus, ne bougeait plus. Sa respiration indiquait qu’il attendait passivement que quelque chose advienne. Et quelque chose arriva. Pakkun.
Tout à coup, Hatake se reçut une boule de type canidé à poils ras dans les fesses. Le choc le jetta sur le dernier des Uchiwa, que tout l’entraînement de celui-ci n’avait pas préparé à l’inattendu d’une attaque directe de la part d’un partenaire aussi timoré. Le beau brun ténébreux se retrouva donc avec le tout autant bishônen Hatake sur le dos. En gros, le sens propre rejoignait le figuré. Kakashi s’appuya sur son coude et, relevant la tête, débuta sur un ton monocorde et d’un désintérêt total la longue liste d’insultes que toute personne vivant en compagnie d’un chien de tempérament espiègle se doit d’avoir en réserve. Puis il réalisa que Sasuke, lui, ne réagissait pas. Et en comprit la raison quand il s’aperçut qu’il avait le bassin plaqué contre le postérieur du jounin, au demeurant mœlleux bien que musclé et d’une chaleur agréable. Enfin, il s’aperçut que si son esprit ne s’était rendu compte que tardivement de sa position plus qu’ambiguë, son corps n’avait pas mis autant de temps. Confus, il posa sa main au sol dans le but de se relever quand une poigne le saisit.
Sasuke savourait le contact de son ancien maître contre lui, et peu lui importait la cause de ce soudain rapprochement. Qu’il ait redressé son torse avait rapproché les parties de leur anatomie se trouvant sous la ceinture et il ne pouvait plus douter du désir que chacun éprouvait pour l’autre. Il se mordit les lèvres et réfréna l’envie de se frotter contre lui. Apparemment, le grand amateur de lectures interdites aux moins de dix-huit ans avait un problème dès qu’il s’agissait de passer à la pratique. Mieux valait ne pas l’effrayer. C’est alors que le dit amateur cessa son discours monotone et se figea. L’Uchiwa se prépara à agir. Il attrapa le poignet du fuyard et pivota, se retrouvant face à face avec lui.
 
          Kakashi et les étoiles autour. Sasuke allongé dans l’herbe. Leurs bras les séparaient.
«Sasuke, je...»
De sa main libre, le nommé agrippa les cheveux de l’homme qui le surplombait et l’attira à lui. Ses lèvres se posèrent sur le tissu noir du masque, barrière irritante aux projets du jeune ninja. Le temps qu’il s’occupe de ce problème à sa manière, le jounin aurait toute latitude pour s’échapper. Encore. Alors Sasuke entoura ses jambes autour des siennes et libéra sa première main pour accrocher le pantalon au niveau de la taille, profitant du geste pour caresser brièvement le creux de ses reins. Kakashi sursauta. Doucement, du bout des lèvres, le ténébreux ninja entreprit d’ôter l’obstacle susdit. Comme il le faisait glisser, sa peau effleura celle du jounin qui hésitait entre le rouge de la confusion et la paleur de l’angoisse. Enfin le visage se trouva complètement dévoilé. Le masque, désormais inutile, enserrait la gorge du jounin. Hatake retrouva soudain la faculté de parler.
«Arrête maintenant! Je s...»
Hélas pour lui, mauvais timing: Sasuke profita de ce qu’il avait la bouche ouverte pour y glisser sa langue. Un bon ninja apprend à saisir toutes les opportunités qui se présentent à lui, et il ne pouvait vraiment pas manquer celle-ci. Kakashi se raidit. Le muscle humide de l’Uchiwa l’explorait et caressait le sien. Il sentit son désir monter et celui, pressé contre son aine, de son ancien élève n’était pas là pour calmer son ardeur. L’ex-anbu dut faire appel à toute la maîtrise qu’il avait acquis sur son corps au fil des années pour ne pas répondre à l’enthousiasme du beau brun. Il mobilisa toutes ses facultés sans plus réfléchir au pourquoi de son refus, se disant que s’il en avait décidé ainsi un jour, c’est qu’il devait bien avoir une raison valable. Voyant son partenaire s’abstenir de toute réaction, Sasuke en profita pour lui enlever aussi le foulard qui cachait son œil gauche. Lorsqu’il sentit une main défaire le nœud de son bandeau, le jounin aux cheveux gris s’agita.
 
 
 
 
That’s all folks!
 
 
niak niak niak...
La suite dès que je l’aurai écrite!!!
 
 
 
Petit délire de l’auteur:
En fait, vous auriez dû avoir droit à deux pages de plus. Je les avais tapées, emballé c’est pesé, et tout et tout... Mais pourquoi donc n’y sont-elles po, me demanderez-vous? (à moins que vous soyez partis dès la fin de la fic, ou en train de mettre votre manteau pour vous tirer paske ce-kelle-racont-la-ptite-dame-c’est-pas-que-ça-nous-emme***-mais-bon...)
Tout simplement parce que j’avais fini de les taper à trois heures du mat’ (un bâillon sur leur bouche pour pas réveiller les voisins) et qu’au moment où je vire l’application, j’avais déjà baissé l’écran (ordi portable) que j’ai fermé dès qu’il fut noir. Oui mais voilà, cinq minutes plus tard j’ai bondi de mon lit et courut jusqu’à Lord Macintosh pour l’ouvrir précipitamment: j’avais omis d’enregistrer ce que j’avais tapé... Trois heures de tripotage cérébral parties en fumée, je peux vous dire que j’étais dégoûtée...
 
Bref, je me dépêche de conclure cette fic, d’autant plus que je dois à côté me concentrer sur mes partiels (enfin, ça c’est ce que je suis censée faire...)
 
 
 
Merci de m’avoir lu!!!
See you soon!