Off the Edge of Despair
Chapitre 2 : Va voir le ciel
Shikamaru pouvait sentir les regards sur lui, mais n’y accorda pas d’importance.
Le soir était tombé et, aussi paradoxal que cela puisse paraître,
il travaillait uniquement de jour. D’abord, ça lui permettait de
dormir un peu la nuit, ce qui était en soi une raison plus que suffisante.
Mais cela réduisait également le nombre de psychopathes potentiels
qu’il pouvait emmener dans sa chambre. L’ennui avec les psychopathes,
c’était pas tellement qu’ils risquaient de vous découper
en rondelles, mais c’était surtout qu’ils ne payaient pas.
Surtout que, ces temps-ci, le coût de la vie atteignait des seuils difficilement
abordables.
Il haussa les épaules et remonta le col de sa veste élimée. Il fouilla dans ses poches et en tira son paquet de cigarettes. Il s’en alluma une et repensa au type qu’il venait de laisser endormi à l’hôtel. Il n’avait pas pu le réveiller. Ca aurait été trop gênant, comme situation. Alors il s’était juste servi dans son portefeuille. C’était moins pénible que de le secouer et de lui marmonner un prix en essayant de fuir ce regard un peu trop pur à ses yeux…
Il exhala un peu de fumée en soupirant. C’était presque douloureux de voir les émotions qui étaient passées sur le visage de ce Lee… Il venait de ce village sur le continent de l’Ouest contre qui son propre pays avait fait la guerre des années plus tôt. Le village avait été soumis et voilà ce que ça avait donné : des types un peu trop gentils et débordants de principes et de valeurs. La cigarette, c’est mauvais pour la santé, la prostitution n’est pas l’unique alternative à la pauvreté…
Il secoua la tête et accéléra le pas. C’était un beau ramassis de conneries, ce que lui avait sorti son Maître bien aimé. Et pourtant, si ça lui permettait de vivre ses derniers jours, c’était plus que suffisant. Quand ce fichu caillou leur tomberait sur la figure, qui partirait le plus en paix ? Lee, avec ses principes et ses certitudes d’avoir vécu une vie digne ? Ou lui, qui avait passé sa vie à vivre aux crochets des autres et à être purement et simplement un emmerdeur fini ?
Il bifurqua sans même s’en rendre compte et se retrouva devant une église délabrée. Qu’est-ce qu’il fichait là, bon sang ? Il balança un coup de pied un peu mou à une pierre qui traînait et regarda autour de lui. Depuis quand il n’était pas venu ici ? Il laissa tomber sa cigarette par terre et l’écrasa du talon avant de pénétrer dans l’église. Il aurait pu le ramasser et trouver une poubelle, mais ça aurait été trop pénible. Et puis, c’était pas comme si toute cette fichue ville ne ressemblait pas déjà à une poubelle géante. Comme dans ces souvenirs, l’autel était recouvert d’un tapis de fleurs, une vision qui l’avait toujours rendu perplexe…
C’était un des mystères de cet endroit. Il se laissa tomber sur un banc qui avait l’air relativement solide et posa ses bras sur le dossier du siège devant lui, y appuyant le menton. Il repensa de nouveau à ce Lee. Si on oubliait son look plus que ridicule et ses sourcils assez particuliers, il avait l’air d’un vrai gentil, de quelqu’un de bien. De quelqu’un qui regretterait la mort de tout le monde plutôt que la sienne. Il fut un temps où il aurait ricané et déclaré trouver ça pathétique. Il l’aurait fait juste pour recevoir une claque sur l’arrière du crâne et pour se faire tirer l’oreille.
Il se laissa aller en arrière et regarda le plafond de l’église. Oui, il se serait moqué de ces sentiments somme toute assez nobles, juste pour pouvoir déclencher une réaction chez celui qu’il avait considéré comme son propre Maître. Il chercha du regard un trou dans le plafond pour regarder à travers. Une des pires choses dans cette fichue ville, c’était qu’on n’y voyait pas le soleil, ni le ciel… Asuma lui avait raconté à quoi ressemblait le ciel, ce qu’était vraiment un nuage. Il lui avait répondu qu’il s’en fichait, que c’était nul et inutile, de toutes façons. Pourquoi parler de quelque chose qu’on ne verra jamais ?
Qu’est-ce qu’il aurait donné pour voir le ciel, maintenant… Un sourire torve vint s’inscrire sur ses lèvres. Voilà une pensée qui aurait bien fait rire Asuma.
Il sursauta en entendant un aboiement dehors. Se redressant, il se dirigea vers la sortie en traînant les pieds. Il ne pouvait même pas avoir un moment de tranquillité sans avoir des boulets sur le dos !
« Akamaru, ici ! »
Il soupira. Evidemment… Qui cela pouvait-il bien être à part Kiba ? Lui venait ici tous les jours et laissait son chien se dégourdir les pattes tandis qu’il rôdait aux alentours de l’église. Qu’est-ce qu’il cherchait, personne n’en savait rien. Mais il avait son petit rituel, qu’il accomplissait sans déranger qui que ce soit.
« Salut. » lâcha t’il.
Kiba se tourna vers lui et lui lança un regard étonné.
« Qu’est-ce que tu fiches ici ? »
« Je suis venu prier pour le salut de mon âme. » rétorqua
t’il, pince-sans-rire.
Kiba leva les yeux au ciel, le traita d’idiot et appela de nouveau son chien, qui obéit enfin et vint s’asseoir à ses pieds. Il lui caressa gentiment la tête et la bestiole frappa le sol de sa queue pour montrer sa satisfaction.
« Est-ce que tu as prié pour la mienne, Shikamaru ? »
Il renifla et haussa les épaules.
« Non, mais j’ai prié pour que ton sac à puces arrête de couiner toutes les nuits, il me casse les oreilles. »
Il reçut un ricanement humain et un grognement canin en réponse, ce qui ne lui fit ni chaud ni froid. Quand Asuma était mort, il s’était retrouvé à la rue sans personne pour lui payer le loyer. Il avait vécu quelques temps à la dure dans les rues, y avait peaufiné son style de combat ‘frappe dans le dos, fais les poches et tire toi vite’, et avait amassé un petit pécule qui lui avait permis de s’acheter un bon verrou et de quoi le fixer à la porte du squat qu’il s’était choisi. On vivait comme ça, dans les Taudis…
Le problème, c’était qu’en arrivant dans son futur chez-soi, il s’était retrouvé face à Kiba et son toutou, qui avaient visiblement la même intention que lui. Il n’avait mis qu’une seconde à décider que deux verrous étaient mieux qu’un et qu’un chien de garde, même minuscule et miteux pouvait toujours être utile. Kiba avait semblé apprécier son point de vue et il s’était donc retrouvé avec deux colocataires, dont un qu’il fallait sortir tous les soirs…
Ils vivotaient donc à deux, plus un chien, trouvant toujours de quoi se débrouiller. Mais quand la crise avait commencé avec la mort du Président, les choses s’étaient un peu compliquées pour eux, comme pour tous les habitants des Taudis. Et quand il avait décidé d’aller se vendre pour mieux vivre, Kiba n’avait rien dit. Il avait juste haussé les épaules d’un air un peu fataliste et s’était retourné pour caresser Akamaru. Il n’y avait rien à dire, de toute façon, avait-il murmuré pendant la nuit, tandis qu’ils se serraient tous les deux sous leur unique couverture un peu trop rapiécée à son goût. On survivait comme ça, dans les Taudis…
« Non, sans rire, qu’est-ce que tu faisais ? »
insista Kiba en se redressant.
« Je réfléchissais… »
« Ca, c’est pas nouveau. Et à quoi ? »
Il aurait dû le trouver trop curieux, mais avec le temps, il s’y était habitué. Asuma aussi était toujours en train de lui demander à quoi il pensait. Il fronça les sourcils et regarda Akamaru se gratter derrière l’oreille.
« Je me disais que j’aurais aimé voir le ciel… »
Il y eut un silence après sa déclaration, puis un murmure :
« Moi aussi… »
Ils se regardèrent sans rien dire, puis d’un seul mouvement, ils prirent le chemin de la ruine qui leur servait de maison. Ils montèrent les escaliers branlants et Kiba tira un porte-clés orné d’un hideux canari géant. Il ouvrit la porte et ils se retrouvèrent debout dans l’entrée à regarder les quelques meubles délabrés et couverts de marques de dents canines, la fenêtre colmatée avec du carton, la porte dégondée qui cachait à moitié une cuisine plus que spartiate.
« Quelle galère. » marmonna Shikamaru en repoussant du bout du pied un carton de pizza à moitié déchiqueté.
L’idée de mourir dans ce trou miteux, sous un ciel d’acier et de pollution lui donnait soudain envie de vomir. S’ils allaient mourir, autant le faire sous un ciel bleu !
Ils échangèrent un nouveau coup d’œil et se dirigèrent chacun vers leur coin de la pièce pour rassembler quelques affaires. Un cadre à photo, quelques jouets et des croquettes pour chien pour Kiba et la couverture, un livre et un paquet de cigarettes neuf pour Shikamaru.
Dix minutes plus tard, Kiba refermait soigneusement la porte derrière lui. Ils se retrouvèrent dans la rue, un peu dépassés par leur décision. Ils se dirigèrent vers les portes de la ville et, brusquement, Shikamaru s’engagea dans une ruelle. Il ouvrit la porte d’un hôtel miteux et monta les marches quatre à quatre. Arrivé au quatrième étage, il se retrouva nez à nez avec un jeune homme de Wutai aux sourcils décidément trop fournis.
Ils ne dirent pas un mot mais ressortirent ensemble de l’hôtel et quittèrent la ruelle. Kiba les attendait, les mains dans les poches de sa veste à capuche. Ils n’échangèrent pas leurs prénoms, mais ils prirent ensemble la rue menant vers la sortie de la ville.
FIN.
Bon, voilà. Deuxième partie finie ! \o/ Je pense
que ça sera la dernière, sauf si ça branche des gens que
je continue. Je peux essayer d’y inclure d’autres personnages…
Dites moi qui vous voudriez voir (à part Asuma et Gai qui, vous l’avez
compris, sont hors jeu v_v) et je ferai peut-être une suite.
C’est à vous de voir !!